Textes et interviews par Jacky Godoffe

 

 

SOMMAIRE

février 2000


|Tendance | Coup de feel | ça s'est passé un mois de février | Un an de plus|

| Ce sont eux qui en parlent le mieux | Plus que présent | Nouveaux nés |


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Tendance


Le paysage bleausard d'aujourd'hui devient cosmopolite, et il n'est pas rare d'y rencontrer espagnol et anglais, japonais, allemands et hollandais qui viennent en nombre croissant défier les indigènes.

Cette tendance me semble bien illustrée par Jos Leenen qui mérite sans aucun doute la palme de la motivation.

Chaque week end, il travaille en Hollande, et du lundi au vendredi, il fait le trajet pour venir faire des croix dans les blocs.

Mention particulière à sa toute dernière qui est en plus une ouverture : Neverland au Bas Cuvier, un petît toit qui n'est pas à proprement parler d'une ampleur folle mais dont les gestes insolites traduisent bien l'envie folle de ce hollandais volant. Ce bloc qui flirte avec le huitième degré est un panachage entre départ assis et debout et fait état de la tendance actuelle des ouvertures. Laquelle oscille entre les blocs purs et durs à la méthode unique et d'ampleur (de plus en plus rare à dénicher) qui font l'unanimité ; les départs assis entrent de plus en plus dans les mentalités même s'ils laissent quelques grimpeurs perplexes sur l'avenir ( et peut être l'état du fond de leur pantalon ?).

Certains envisagent même des départs couchés ( voir nouveaux-nés ) ; et les blocs de convention où l'on peut s'interdire telle ou telle arête, telle prise ou bien où l'on décide de la position de départ. Qui doit décider de la validité ou de l'intérêt de tel ou tel type de problème ?Le temps reste seul juge. Quant au reste, l'excellente santé de notre terrain de jeu bleausard se manifeste à travers toutes ces tendances et les grimpeurs qui se jettent à corps perdu dans leurs challenges.

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Coup de feel pour un coup de fil à …..


...Fred Roulhing

Je viens de finir mon petit déj et sur le départ pour Grenoble pour mon BE puis le sud pour grimper.

Hier à Bourdeil dans la voie qu'un pote vient d'enchaîner "Perlimpimpim" annoncée 8c et c'est là que j'ai vraiment réalisé que la falaise c'est dur et que l'hiver c'est aussi le temps où ça colle dans les voies.

Dans des blocs que j'espère bien trouver sur Grenoble pendant mon séjour.

La réalisation de "Fatman" à Bleau il y a un mois. Dément.

Attendre dans une voiture sur un parking sous la pluie en se rappelant toutes les fois où c'était pareil. Tu rebondis sur d'autres lieux, d'autres galères, tu sais que c'est pas possible qu'il en soit autrement mais ça brasse.

Etre fort en escalade, faire ce qui se fait de mieux partout pour continuer à progresser.

Je ne sais pas trop. Arriver à faire des trucs qui ne sont pas dans la filière où je m'entraîne. Ce n'est pas nécessairement lié à la difficulté. C'est normal qu'on soit fort dans ce qu'on développe. J'aime surtout être surpris en étant plus efficace dans mes points faibles que je ne le pensais.

Il y a trois jours ; une séance de poutre "démotivé" . J'étais parti pour deux heures de délire et où je me suis retrouvé au bout d'une demi-heure à dire stop avec plein de bonnes excuses.

Dans le sud, un pélerinage à Buoux et dans toutes ces falaises où j'ai connu tant de joies ; je suis si loin et elles me semblent encore si proches. Je me réjouis de les retrouver.

Sans parler de barrière, déjà confirmer le 8b+ en bloc et le 9a en falaise ; ce qui voudra dire qu'il faudra aux grimpeurs la moelle pour s'investir et se déplacer. Ca passe par là et l'histoire a montré que ca peut être long.

En fait j'y pense de plus en plus ; et mes sponsors ont aussi tendance à m'encourager dans cette voie. Je suis prof d'EPS aujourd'hui. Oui c'est vraiment une question que je me pose pour aller de l'avant. J'ai rencontré des grimpeurs américains notamment qui vivent ça très bien, je ne parle pas financièrement uniquement, mais avec une approche sympa qui me branche bien. On en a aussi pas mal discuté avec Patrick ( Edlinger) notamment pour tout ce qui touche aux contrats et à leur cortège de galères…A suivre.

A l'époque, je me demandais comment coter cette voie en sachant que c'était vraiment plus dur que tout ce que je connaissais, bien plus dur. Et aujourd'hui, je commence à penser que ca pourrait tenir la distance en fait. Plus je fais de bloc et plus je me rends compte de la difficulté de cette voie où des pas de blocs retords sont noyés dans des sections complètes et complexes. Non je crois bien que c'était et que c'est toujours de l'info.

Tchao fred à la prochaine, et plein de prises qui collent partout.

Bye

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ça s'est passé un mois de février


2000
Février 2000, c'est le mois de naissance de cette rubrique. Quelques événements marquants qui se sont passés un mois de février dans le monde de la grimpe. février
Février 65, honneur à un immense parmi les grands, Walter Bonnati qui ouvre dans la face nord du Cervin, en solitaire une nouvelle voie, son adieu au monde de l'alpinisme et quelque chose comme les 8m90 de Bob Beamon. Après son coup d'éclat aux Drus, il place la barre encore un peu plus haut. Mais que reste-t-il donc à faire ? 1965  
février
1961
Février 61, c'est l'année de naissance d'un p'tit gars qui va faire causer de lui : Christophe Profit, des falaises de la Roque aux sommets des Alpes, symbole de la vie qui va vite.
1740
Février 1740, un autre grand homme voyait le jour Horace Benedict de Saussure, l'instigateur de la première ascension du Mont Blanc.  
Février 91, c'est aussi l'occasion d'assister à une ascension éclair : celle de l'escalade de compétition qui arrive en force et en souplesse à Bercy pour consacrer le Terminator de la grimpe Didier Raboutou sous le feu des caméras de télévision. Si le sanctuaire du sport spectacle n'est pas rempli, l'escalade y est tout de même entrée et plus vite que beaucoup d'autres sports. 1991 février

 

 

En 80, un certain mois de février, dans les jours où ça colle à Buoux, Ben Moon pose avec "Azincourt" les bases du 8c au nez et à la barbe des grimpeurs français, pourtant convaincus à l'époque qu'ils sont les meilleurs du monde. Retour / back
Pendant ce temps, toujours en février 80, Alain Ghersen soloait "Divine Providence" au grand pilier d'angle. Un sacré grand bloc ! 1980  
février

1983

 

C'est encore un anglais un certain février 83, Jerry Moffat qui va pulvériser les standards de difficulté à vue en réalisant Equinox aux Etats Unis un bon 7b en fissure de Joshua Tree. Le plus rapide avant lui à faire cette voie avait tout de même mis une semaine.
  En février 86, les colonnes de Paris Match se font l'écho du grand duel entre Eric Escoffier et Christophe Profit. Au programme, escalade, delta, hélico et une certaine idée de la Montagne au service de la communication, à moins que ça ne soit l'inverse. Il en sortira d'hallucinantes tentatives d'enchaînements. Le grand vainqueur de cette course ne sera aucun de ces deux protagonistes, mais le plus discret Boivin quelques mois plus tard. 1986
 
1984
Février 84, c'est la première matérialisation du spectre de l'interdiction de grimper; Buoux se trouve ainsi durant un an officiellement déclaré "interdit de grimper". On invoque alors les rapaces, les effets pervers de la surfréquentation et on se met à jouer aux gendarmes et aux voleurs surtout que d'irréductibles grimpeurs bravent cet arrêté. Le coup de frein est mis et permet de prendre conscience qu'il leur faut agir plus socialement. Les conventions vont s'en suivre.
Février 75, c'est une révélation pour les grimpeurs et alpinistes du monde entier sous la forme de la parution en France du livre de Reinhold Messner le septième degré. Ecrit trois ans plus tôt, il y est question de l'entraînement et de l'ouverture de l'échelle de difficulté bloquée alors au sixième degré par des esprits qu'il juge étriqués et sur la mauvaise voie. Il parle d'éthique et de sport, de morale et de nouvelles règles du jeu qui bientôt déchaîneront des passions. Visionnaire et éloquent.

1975

 

février
 

Février enfin de toutes les années, c'est la période où ça colle et où nombre des projets les plus difficiles de chaque année ont vu le jour. Voir rubrique "plus que présent"

 
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Un an de plus


Il y un an presque jour pour jour, quelque chose ou quelqu'un, quelque part dans notre paysage…

Terrorisme à la sauce bloc.

Fin 98 : un bloc, un site, une prise. Puis un mystère plane au dessus d'Apremont : une prise cassée exprès ou pas ? S'en suit une année de suspicions, de prises de tête, de doutes et d'interrogations.

Fin 99, le bloc avait presque repris ses droits. Et les grimpeurs d'essayer de transformer un coup du sort en coup de maître.

Même période, même combat, mêmes stigmates… de nouveau frappé en plein, le bloc se retrouve marqué au fer rouge d'une forme nouvelle d'évolution : l'anéantissement pur et simple de la grimpe et des rêves qui vont avec...

Des points de suspension de l'an passé au point final à l'escalade, on déclinerait bien le poing sur…mais laquelle ?

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Ce sont eux qui en parlent le mieux


Christophe Moulin, grand alpiniste, glaciairiste s'il en est ; auteur de nombreux enchaînements ahurissants un peu partout nous parle du bloc…

Si je te dis crash pad ?

Bon je ne suis pas le dernier des ahuris tout de même pour ne pas savoir que c'est super agréable pour que les chiens des grimpeurs puissent y faire leur sieste ; et comme les grimpeurs de bloc sortent souvent avec leur chien, c'est devenu indispensable.
C'était demain ?
Bon oui c'est bien mes deux mains, à part ça, cela n'évoque rien d'autre pour moi
Trois grimpeurs de bloc
Daniel Du Lac ( tiens c'est la résine qui me vient à l'esprit en premier), Fred Nicole car il a fait pas mal de blocs à Martigny et toi à Fontainebleau. ( juré, je ne l'ai pas payé ! : note de l'auteur)
Le premier site qui te vient à l'esprit
Bleau concrètement j'y suis allé deux fois. Une fois en terminale avec un pote qui m'a fait faire des parcours montagne. J'ai trouvé ça naze. Une autre fois beaucoup plus tard avec un autre pote qui lui, a su trouver que pour l'alpiniste que j'étais il fallait un peu d'ampleur. Ca m'a vraiment branché ce coup là.
La plus haute difficulté atteinte ?
Je sais par un des jeunes que je connais bien : Brice Lefevre qu'il travaillait un passage à Fontainebleau et qu'un autre l'a fait avant lui. Ca doit être 8b+ non ?
ça craint le bloc?
C'est clair. Je me revois encore à l'éléphant en train de lorgner une arête bizarre, biscornue en 7a, peut être moins, je ne sais plus bien et je me disais qu'il fallait être vraiment timbré pour aller se mettre la dedans.
Hueco ?
C'est pas en Espagne ?

Ce qu'il ne faut pas pour faire du bloc ?

Etre trop gros, être trop endurant, y aller à fond à froid
Ce qui manque au bloc pour que tu changes de discipline ?
Il ne manque rien mais je ne changerai pas. Ah si, quand même, quelques kilomètres de hauteur. Ce qui te manquerait pour faire du bloc ? J'ai une phalange de trop à chaque doigt. Tu imagines le bras de levier.
Pour finir ta définition du bloc ?
C'est une montagne en miniature. Sans être péjoratif, il me semble que pour un grimpeur de bloc son passage de trois mètres, il le connaît autant que moi la montagne qui me branche, dans ses moindres détails et il la visualise autant de fois qu'il le faut avant de s'y lancer.

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Plus-que-présent


Outre les projets secrets que les grimpeurs couvent dans leur petit coin de forêt ; certains s'étalent au grand jour.

 

A l'Isatis, au fond, à l'envers de la Mêmêle, le surplomb de gauche attend toujours sa réalisation. Merci Juju ( Julien Nadiras) d'avoir trouvé un crochet de pied auxquel personne n'avait jusqu'alors pensé. Certes un peu éliminant, ce bloc devrait prochainement tomber. Sans doute le serait-il déjà si Fred Nicole avait eu cette méthode.

Au Cuvier Rempart, juste quelques mètres sous "Laser", un très joli dévers blanc, et juste l'esquisse d'une réglette. Le bloc posé derrière inquiète un poil, mais pas assez pour s'empêcher de jumper sur plus haut toujours plus haut et déjà penser au réta final.

Au Bas Cuvier, dans les hauteurs, tout près des "Plats en sauce" ( un 7a assez particulier sur le haut de la partie gauche du Cuvier) une arête ronde offre ses ventres pas nécessairement accueillants à qui voudra s'y coller. Un peu expo, la ligne n'en est pas moins excitante avec un départ qui promet du sport.

A Cuisinière, en face Nord, sur le bloc du "Tailleur de mensonges" (600m plus loin que "Duel" sur le même côté) l'arête de droite attend toujours des prétendants. Les trois quarts du bloc font, c'est sûr. Reste la sortie pour laquelle l'installation d'un système complexe de cordes fixes pourrait s'avérer utile pour éviter de basculer d'un côté ou de l'autre de l'arête en essayant les mouvements en top rope. Quant à les essayer en tête…

Au secours.

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Nouveaux nés ou presque…


Fred Nicole a pu passer entre les gouttes et en a profité pour enfin poser l'ultime geste qui manquait à "Fatman" pour arriver à pleine maturité. Doigts fragiles s'abstenir pour ce 8b+ annoncé.

Départs assis au programme au Rocher Canon avec Julien Nadiras qui chasse l'orque et la baleine avec des hameçons de 7c+ à 8a+. Et la promesse d'une plus grosse prise encore en départ couché.

Au Cuvier Rempart, Thierry Gounelle déniche un bloc à double entrée et ouvre "Moby Dick" entre 7c et 7c+ selon la variante utilisée mais en départ assis dans les deux cas (7c à gauche et 7c+ à droite). Le plus difficile étant sans doute de localiser le problème ( entre le bivouac du rempart et "Duroxmanie"…bon courage)

A Apremont, quarante mètres en contrebas du départ du circuit rouge, un petit tour de "Passe Passe" en 7b/7b+ sur une improbable arête offre quelques superbes gestes. Merci Thibault.

Enfin Christian Roumegoux n'a pas faibli face à la complexité du mouvement clé de "Khéops" et a fini par conclure. La difficulté semblerait se pondérer autour de 8a+.

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